jeudi 13 mai 2010
je reviens du gers et d'un travail autour d'un solo de clown intitulé quand est-ce que ça commence, solo conçu par le comédien et moi-même il y a un peu plus de cinq ans et qui attendait une continuation
et je souris d'entendre le sens que prend ce titre au fur et à mesure des années
j'ai souri aussi le jour où le comédien m'a annoncé qu'il avait obtenu une résidence de sept jours dans un village du gers appelé Samatan pour travailler sur ce solo patient
je me souviens de beckett et de son "ça commence quand ça finit"
j'ai aussi beaucoup photographié pendant ces six jours
dehors dedans, sur le plateau, en coulisses, dans les loges,
j'ai photographié le comédien, le costume, le maquillage, les objets, la maison où nous logions, le petit lac, le restaurant où nous prenions nos repas
j'ai photographié le septième jour, celui de l'inauguration du festival au sein duquel notre travail était présenté, les anonymes venus là, les grandes tables dressées sur la place, les barnums sous lesquels se tenaient ceux qui servaient les repas et la buvette, les comédiens qui jouaient dehors, ceux qui nous ont accueillis
donc j'ai photographié des chaussures, en gros plan, en solitaires et elles m'ont parlé de van gogh de heidegger et de martine drai
quand est-ce que ça commence
ça commence quand je lis sur publie.net : je suis une mauvais malade, lecture qui installe en moi un écho qui ne s'éteint pas
ça commence quand j'avais tellement aimé aussi relire cet extrait de ponge dans Le Parti pris des choses qu'elle citait :
Les statues se réveilleront un jour avec un bâillon de tissu-éponge entre les cuisses. Alors les femmes arracheront le leur et le jetteront aux orties. Leurs corps, fiers jadis et d’être sans issue vingt-cinq jours sur trente, laisseront voir le sang couler jusqu’aux chevilles. Ils se montreront en beauté.
Ainsi sera communiquée à tous, par la vision d’une réalité un peu plus importante que la rondeur ou que la fermeté des seins, la terreur qui saisit les petites filles la première fois.
Toute idée de forme pure en sera définitivement souillée.
ça commence quand je regarde des chaussures peintes et lis le texte dans lequel les images sont insérées, et quand je regarde d'autres chaussures accompagnées d'un texte, encore
ce jour-là aussi j'ai pensé à van gogh et à heidegger
ça commence par l'écoute d'une lecture : un extrait de l'histoire des chaussures, au centre cerise rue montorgueil, en lien avec remue.net, où je vois le visage de certaines personnes que je lis régulièrement sur le site mais dont je ne connais pas encore l'apparence de chair
ça commence comme ça la rencontre avec l'écriture et les chaussures de martine drai
quand la pensée d'elle m'est revenue, en photographiant les chaussures, là-bas, dans le gers pendant le travail théâtral, je me suis dit, je vais les publier sur le semenoir en rebond avec les siennes
elle ne le saura pas tout de suite car je ne l'ai pas vue sur twitter
et pourquoi chercher tout de suite à la prévenir
laissons cela au hasard des échos de notre pays de langue
ça commence quand ça finit, dit beckett
sait-on jamais ce qui nous attend
il y a quelques jours, en rentrant du gers, _où je n'avais aucun accès internet nulle part_ai regardé mon compte twitter et ai lu via martine sonnet et via remue.net l'annonce de sa disparition
elle a en fin commencé
elle ne saura donc jamais
dans cet aujourd'hui où elle a quitté ses chaussures qui l'ont quittée
que ce texte et ces images s'offrent à son souvenir et en son hommage
lire : hommage à Martine Drai sur publie.net pour faire sa connaissance, la lire un peu, et regarder ses chaussures
mercredi 12 mai 2010